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Les «  Méta-Noirs » de Philippe DUMMONT

 

 

Si l'on considère le cheminement artistique de Philippe Dummont, on est porté à croire qu'il s'agit d'une simple progression de la figuration vers l'abstraction. Mais il s'agit plutôt de s'abstraire du corps pour le panser, comme dans une rêverie un peu mélancolique. Et que du fait, les couleurs des personnages s'en vont doucement avec le déclin du jour.

Déjà les êtres à l'âge incertain qui posaient dans ses premiers portraits et autres aquarelles, tendaient à se fondre dans leur environnement, et leurs regards noyés envisageaient un espace hors-champs.

 

Avec les valeurs noir-blanc, et l'entrée en gamme des gris, l'ontologie des corps se fait reconstitution. Elle agence des éléments en élucubrations étranges, auto-intrusions de membres et de boyaux, raccords cohérents de plomberie et d'organes. Chiottes, tubes, seins .Contre toute attente, le vivant et l'inerte s’emboîtent harmonieusement, en toute proportion de matières.

 

Les doigts charbonnés de l'artiste sondent le papier dans une profondeur qu'on ne lui soupçonnait pas, et l'intime se fait apparition. Ce miroir noir nous tend une image vibrante et dérangeante de dépouilles retournées, de chuchotis pressants. A rebrousse-lumière, les sculptures dessinées s'exhibent religieusement.

 

Dans la continuité de ce paradoxe à la résolution perceptible mais dont le principe demeure obscur, des entités se donnent rendez-vous en une nouvelle saison du passé, celle des statues-menhirs ou des « méta-noirs ». Leur étagement en duplex votifs les circonscrit dans la forme autant que dans une lueur filtrant à travers l'épaisseur du fusain. La gomme elle, s'est faite complice de blancs reconquis.

 

A la croisée des scénographies infernales des portails romans, des expériences du Docteur Moreau et des aventures de Barbapapa, Philippe Dummont nous ré-enfante.

 

Le fœtus ne se vit que de l'intérieur. Il s'agit ici d'incarner les ressentis indescriptibles d'une masse de chair et d'inconfort qui se découvre un contour extérieur, une existence de purgatoire, un étonnement sans fin.

 

Comme dans les mythes, un géant - l'Osiris des égyptiens, le Purusha des hindous - est démembré et recomposé. Sa renaissance constitue le monde, dans un assemblage quasi impensable. D'où l’émergence des têtes de peintres, barbus à lunettes, comiquement sérieux, pions au destin transformiste sur le grand échiquier de la vie. Précurseurs, inventeurs preneurs de risques, ils sont les Prométhées dont la promesse dévoilera bientôt son pan d'or...

 

Une prochaine phase du travail de Philippe Dummont qui s'annonce au féminin …

 

 

Jacqueline ROBIN

Historienne de l'art

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